
Et si Ayos-Bonis m’était contée. Pendant que certains politiques vantent les bienfaits de cette nouvelle route pour les Camerounais, les populations d’Ayos, mécontentes, ont boudé la cérémonie d’inauguration présidée par le Premier ministre, chef du gouvernement.
1- Le rôle trouble du cabinet civil et du Mintp
Parmi les différents groupes de danses, associations, militantes et militants des sections et sous-sections du Rdpc, parti au pouvoir venus accueillir le Premier ministre Philémon Yang ce jeudi 23 août 2012 à Bonis site de l’inauguration, aucune plaque portant la mention « Ayos » n’était visible. Et pour cause « les populations de cette localité ont tout simplement boudé l’évènement ». Normal pensent les populations de la région du soleil levant qui estiment dans l’euphorie que, « cela était prévisible qu’elles ne viennent pas à Bonis surtout que le ministre des Travaux publics (Mintp) qui est de cette localité a voulu faire la récupération de cet évènement ». Selon quelques rares personnes venues d’Ayos, « le découragement a pris le dessus sur l’engouement des populations qui n’imaginaient malheureusement pas que les choses allaient encore changer à la dernière minute ». Jean Marie Bekono explique que « la mobilisation était effective, et toutes les dispositions ont été prises pour l’organisation de cet évènement à Ayos ». Pour ce natif d’Ayos, « l’Est a gagné à travers ses multiples revendications et ce n’est que partie remise ».
A ce sujet, bien avant la visite du président Paul Biya dans la région du soleil levant, dans le cadre de la cérémonie de pose de la première pierre du barrage de Lom Pangar, on se souvient de la construction d’une tribune de 1500 places et d’un héliport à Ayos, pour l’accueillir à l’occasion d’une éventuelle inauguration de cette route. Dans la foulée, la voirie municipale de la ville d’Ayos devait bénéficier de 600 mètres de bitume et d’une voie de contournement aux frais du ministère des Travaux publics. Une sorte de confusion était alors observée autour de cet événement simultanément préparé dans les régions du Centre et de l’Est. Si Francis Nicolas Zibi Samba, maire d’Ayos estimait de son côté que « Ayos-Bonis c’est une affaire commune des deux régions. Que l’inauguration se déroule dans l’un ou l’autre site, nous serons de la fête car c’est un projet d’intégration entre le Centre et l’Est », de leur côté les populations pensaient le contraire. A Ayos, dès l’annonce de l’évènement à Bonis « la colère et la démobilisation ont tout de suite gagné le terrain ». Certaines indiscrétions font état de ce que « les militants Rdpc du département du Nyong et Nfoumou ont juré ne pas se déplacer pour la région de l’Est » d’où leur absence remarquée. Pour une haute personnalité politique de l’Est ayant requis l’anonymat « Inaugurer cette route à Ayos dans la région du Centre s’apparentait à un paradoxe au discours du Premier ministre en juillet 2005 à Atok quand il disait : « Aujourd'hui, à travers ce premier coup de pioche, le chef de l'Etat, vous envoie sa réponse à votre soutien sans faille à sa politique. Il réaffirme sa volonté de ne ménager aucun effort pour poursuivre son projet de modernisation du Cameroun et de la région de l'Est. La réalisation des infrastructures dans la région de l'Est constitue l'une de ses principales préoccupations. Et c'est ici, à l'Est, que le premier grand chantier du Gouvernement des grandes ambitions va voir le jour. Je pense que c'est un signal fort ! »
2- Sur les sentiers d’une route maudite
Le cas de la route Ayos-Bonis apparaît unique au Cameroun, « en termes de tracasseries et de délais ». Le marché attribué en 2003, a attendu neuf ans avant d’être achevé. Comme si un mauvais sort avait été jeté sur cette route de l’Est, « on a dans un premier temps trouvé une grave insuffisance des études » indiquait le directeur général de Pantechniki Panagiotis Marelis, qui a construit le deuxième lot de la route Ayos-Bonis. En effet, les études techniques bâclées par Beta consult et Ecta Btp faisaient au départ état de trois marécages, alors qu’il y avait plus d’une trentaine. Conséquence, lorsqu’on a évalué le coût de la route en tenant compte de 30.000 m3 de purge à réaliser à raison de 70.000 FCfa la purge, la route en exigeait 360.000 m3, explique la source. Autre symbole d’une étude escamotée, le talus rocheux de la route, dès la traversée du pont sur le Nyong à Ayos n’avait pas été prévu par les études. Les mêmes études avaient projeté que l’entreprise chargée des travaux s’approvisionnerait en gravier dans les carrières de Ntolok, situées sur le linéaire de la route. Finalement, l’entreprise retenue Pantechniki, est allée chercher la roche adéquate à Bent, 36 km plus loin dans le département du Haut-Nyong.
C’est ainsi que la couche de base de la route ne va commencer à être mise en œuvre que 26 mois après le démarrage des travaux. En conséquence du mauvais travail des cabinets d’études, le prix de la route a été largement sous-évalué. Ce qui va entrainer un surcoût de 13,1 milliards de francs Cfa. En plus, le déplacement tardif des réseaux de la défunte Snec et Sonel et les longs délais des expropriations (maisons, cultures, tombes) ont pesé lourd sur les délais puisque le dernier réseau déplacé à Abong-Mbang s’est effectué cinq ans après le début des travaux. Aussi, l’entreprise était forcée d’arrêter les travaux après 11,5 mois entre 10 août 2008 et le 29 juillet 2009 du fait du refus par les bailleurs de fonds de financer les surcoûts. Le jour de l’inauguration de ce tronçon de la nationale n°10 long de 191 km à Bonis, le ministre des travaux publics a poussé comme un ouf de soulagement pour son ministère qui est sorti de cette épreuve. « La route Ayos-Bonis que nous inaugurons ce jour, était censé être construite en 55 mois, avec une enveloppe budgétaire de 37, 5 milliards. Mais à cause des difficultés que nous avons connus, en fin de compte il a fallut 84 mois et 58,8 milliards de Francs Cfa pour terminer cet ouvrage qui fait désormais notre fierté ». Patrice Amba Salla indique justement à ce sujet que « Les financements n’ont pas pu être mobilisés à temps pour construire cette route. Il a par conséquent fallu que l’Etat camerounais supplée au financement qui avait été envisagé. Cette mobilisation tardive des fonds a occasionné des arrêts temporaires des travaux. La détermination du chef de l’Etat est la seule raison pour laquelle cette route est arrivée à son terme ». Même si l’histoire des malheurs de cette route Ayos-Bonis, nous parle aussi « des sous-entendus de procédures et d’avenants irréguliers par le Mintp ».
3- Des enjeux malgré les scandales
Le rêve est enfin devenu réalité, malgré la longue attente de sept ans. Au-delà de la reconnaissance populaire, l’importance de cette route bitumée n’échappe à personne. Pour les populations et simples usagers, habitués à se rendre dans la capitale politique du pays, « le tracé offre désormais un confort indéniable lors du voyage. La poussière en saison sèche et la boue en saison des pluies ne sont plus qu’un triste souvenir ». Tout comme les vieux cars «Saviem», maîtres de cette piste dans un passé récent, ont changé de destination. Lorsque certains ne sont pas rangés aux oubliettes. Et désormais remplacés par des cars Hiace et bus, flambants neufs qui n’étaient jusque-là visibles que sur les autres tronçons tels que Yaoundé-Douala. De nouvelles agences de voyages s’installent d’ailleurs chaque jour dans la ville de Bertoua. « On peut parcourir le trajet Bertoua-Yaoundé la capitale politique en trois, quatre heures de temps, et faire un aller-retour le même jour. Ce qui n’était pas possible avant », se réjouit un riverain.
Depuis quelques mois, le nombre de camions, en transit pour Douala la capitale économique du pays, est sans cesse croissant. «Le parcours entre Douala-N’Djamena est désormais réduit, suite au bitumage. Le nombre de jours également. Nous sommes fiers et contents», précise Ousseima Yaouba de nationalité tchadienne, chauffeur de gros porteur. Si les chauffeurs de nationalité tchadiennes sont fiers du tracé, ceux de leurs collègues qui vont ou viennent en direction du Congo via la Boumba et Ngoko (corridor non conventionnel ndlr) et en direction de la République centrafricaine via Garoua-Boulaï pour la ville de Bangui ne tarissent point d’éloges sur cette route. Même si certains formulent des critiques portant sur la réalisation des travaux qui n’a pas redressé certains virages. «Le tracé originel n’a pas été modifié», se plaint Soulé Adamou. « Mais la route Ayos-Bonis facilite déjà le trafic des personnes et des biens ».
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