C’est sous un temps froid et sec d’un début de matinée que, malgré les multiples tentatives de découragement, nous décidons de quitter la ville de Bertoua, chef-lieu du département du Lom et Djerem, pour affronter le trajet qui mène à Yokadouma. Bien avant, il faut la veille, acheter un ticket et réserver sa place à “ Alliance Voyages ”, l’unique agence qui pour l’instant, au regard de l’état de désagrégation et de décrépitude de la route, accepte de faire le parcours du combattant.
A ceux qui font le voyage pour la première fois, on conseille de s’armer de courage, pour gérer le voyage avec pénitence. Inutile de penser à un voyage de luxe, à bord d’une belle automobile. Un seul type de voiture de marque Saviem fait le trajet. C’est peine perdue que de disserter sur l’état de la voiture, amortie et méconnaissable par le fabriquant, à cause des crevasses, la poussière et l’impraticabilité de la route. Inutile aussi d’être pressé. Les cars Saviem ont des pièces raccordées avec des frondes, des caoutchoucs ou des fils de fer parfois attaqués par la rouille, prêts à lâcher à tout moment. Dans bien des cas, lorsque l’incident arrive, ce sont les passagers qui sont exposés en plein milieu de la forêt, à la merci des agresseurs (coupeurs de route ou repris de justice).
Le voyage dure entre 10 à 12 heures. Serrés comme de véritables bêtes de somme, les passagers s’entrecroisent les pieds comme s’ils allaient en rangs serrés vers l’abattoir. Il est 8 heures 30 minutes lorsque le chauffeur qu’on appelle populairement “ Alla hadji ” (c’est une appellation consacrée à tous les chauffeurs qui font ce tronçon, simplement parce qu’ils sont pour la majorité ressortissant du Septentrion), démarre la voiture en trombe.
Le sol qui se déroule interminablement dans la vieille Saviem, déverse avec beaucoup de colère sa poussière sur les occupants du véhicule. Malgré la pénibilité du voyage et l’épaisse nappe de poussière qui enveloppe petit à petit les passagers, quelques uns, s’essayent dans l’humour tout en maudissant le régime du Renouveau. “ Nous allons arriver en miettes, couverts de poussière comme de petits fantômes ”, argue Abouno.
Son exposé sur le contraste entre les richesses que génèrent le département et le niveau de pauvreté et d’enclavement des populations des trois départements est pathétique. “ Lorsque nous cherchons à savoir ce qui est des taxes et autres impôts que l’on paye, on nous dit que les mairies de l’Est, quoique étant des
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zones productrices de ces richesses, ne reçoivent que des miettes ; du fait que l’essentiel des sociétés forestières et autres sont basées à Douala et n’ont que des représentations à l’Est ” , lance-t-il en direction des autres passagers. Après un arrêt à Batouri où, les mécaniciens vont jeter un coup d’œil sur la santé de la voiture, le chauffeur met le cap sur Ndélélé.
L’escale obligatoire de Gari-Gombo
Le long du voyage, plus on grignote des km, plus la visibilité devient une gageure. Les multiples secousses causées par les crevasses qu’on appelle ici, “ la tôle ondulée ”, donnent l’impression qu’on fait du surplace. “ Nous avons la chance parce que c’est la saison sèche. Le seul risque est qu’à l’arrivée, nous serons comme des “ junjus ” ou des petits fantômes, parce que couverts de poussière jusqu’aux C. C’est plus grave en période des pluies, car les flaques d’eau et les nappes de boue rendent la circulation impossible ”, lance le chauffeur en riant.
Le plus grand et “ inévitable ” danger est le croisement avec les grumiers et autres gros porteurs. Et de poursuivre en faisant état de la vie dure et du calvaire qu’ils endurent, lorsque les grumiers s’embourbent ça et là, et laissant tomber leurs grumes et autres charges, sur la chaussée. “ Des fois le voyage dure plusieurs jours et autant de nuits ”, lance-t-il. Faisant entorse à la loi interdisant le transport de bois en grumes, les transporteurs versent dans la corruption ; l’argument avancé étant que ledit bois vient de la Rca ou du Congo. Non seulement l’entretien de la route n’est pas régulier, mais l’intense trafic des gros porteurs, précipite la dégradation.
A chaque passage, en plus de la bonne quantité de poussière que le gros engin vous fait avaler, le risque d’accident s’intensifie. Une fois à Gari-Gombo, le chauffeur et quelques passagers font une petite escale pour la prière de 18 heures 30 minutes A une vingtaine de km de Yokadouma, coup de théâtre, les phares viennent de lâcher. Une fois de plus, il faut faire preuve de beaucoup de patience ; en pleine forêt, dans le bosquet, le chauffeur, à l’aide d’une lampe torche, réussit comme par miracle à joindre les fils électriques disposés pêle-mêle. Après soixante minutes de rafistolage, le voyage reprend. Il est 22 heures 30 minutes, lorsque le car Saviem entre en gare dans une ville de Yokadouma, entièrement enterrée dans la poussière.
Ouf ! On est encore vivant. La pénibilité de la route, à elle seule, explique pourquoi, les populations du département de la Boumba et Ngoko, une fois sorties de Yokadouma, s’abandonnent à “ l’exil ” ; les plus courageux se contentant de faire des “ apparitions ” saisonnières.
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